La première Exposition Universelle française.
Cours la reine, Carré Marigny et avenue Montaigne
15 mai - 15 novembre 1855
23 954 exposants dans la section industrie, dont 11 986 exposants Français
5 162 330 visiteurs
Situation du Palais de l'industrie, de la rotonde impériale qui relie la galerie des machines. A gauche, un bout du palais des beaux-arts.
Les projets d’un
palais permanent de l’Industrie des Champs-Élysées devaient
rivaliser avec le Crystal
Palace, une architecture de verre et de fer devait éblouir
le visiteur sur 27.000 mètres carrés, mais le conservatisme des
édiles parisiens contraignit les architectes à revoir leur copie.
La magnifique structure initiale fut donc très conventionnellement
appareillée de hauts murs en pierre de taille.
Dans ce dessein, on abattit de nombreux ormes sur les
Champs-Élysées. La construction de ce palais a coûté la
vie à 6 ouvriers et 594 ont été blessés durant les travaux.
La façade imposante et lourde ne rendit pas hommage à l’audace des
premiers projets d'origine. « Le palais de l’Industrie est une énorme
bâtisse dépourvue de style, qui encombre les Champs-Élysées, mais
qui ne les orne pas », écrira M. Doncour trente ans plus tard,
d’accord avec l' écrivain Octave Mirbeau qui compara l’édifice à « un bœuf
foulant un parterre de roses ». Néanmoins l’idée d’une
verrière comme plafond fut conservée. Elle surplombait à 18 mètres
de hauteur une nef de 192 mètres de longueur sur 48 de côté.
L’impression de luminosité et de légèreté à l’intérieur n’avait
pas de commune mesure avec l’extérieur.
Palais de l'industrie vers 1890.
De surcroît, on s’aperçut pendant la construction que le futur palais serait trop petit, et l’on dû ajouter une nouvelle galerie de 1,2 kilomètres le long de la Seine : la galerie des machines. Locomotives, bateaux à vapeur, hélices, turbines, marteaux à vapeur, chaudières pourraient y faire tout le bruit qu’ils voulaient. Pour relier ces deux bâtiment on construisit une petite galerie passant par la rotonde de Hitoff. L’ensemble des bâtiments fut achevé le 30 avril 1855, soit la veille de l’inauguration prévue. Finalement, l’impératrice Eugénie et l’empereur Napoléon III, n’inaugurèrent l’Exposition que le 15 mai. Malgré ce délai supplémentaire, les visiteurs pouvaient encore voir certaines vitrines inachevées à la mi-juin.
La Reine Victoria visita l’Exposition en août et se rendit également au château de Saint-Cloud. On frappa une médaille commémorative à cette occasion.
Suivant l’exemple de Londres,
et contrairement aux précédentes expositions françaises du
Champs-de-Mars, l’accès à l’exposition était payant. Les
tarifs variaient selon les jours : il en coûtait 1
franc du lundi au jeudi, 5 francs le vendredi, 50 centimes le
samedi et 20 centimes le dimanche, seul jour férié pour les
ouvriers. La haute société pouvait donc se retrouver entre soi le
vendredi, laissant le dimanche aux ouvriers et à leur famille.
Pour autant, l’empereur avait fait distribuer 105 000 entrées
gratuites aux ouvriers mais, mystérieusement, seuls 10 000 de ces
billets furent utilisés. Pour faire venir davantage un public qui
faisait défaut, des cartes de réductions furent mises en place
pour eux et pour les contremaîtres qui désiraient venir plusieurs
fois visiter l’exposition. Il ne leur en coûtait alors que 20
centimes toute la semaine, excepté le vendredi dont le tarif resta
à 5 francs (« cinq francs est une somme que peu de monde peu
atteindre en France » selon le rapporteur de la commission
Impériale après la fermeture de l’exposition). Cette
première Exposition fut déficitaire.
Côté invention, des milliers de machines étaient présentées au public, le plus souvent en relation avec l’essor industriel et agricole de ce milieu de siècle.
Le visiteur découvrait ainsi des locomotives, des marteaux pilons, des moteurs hydrauliques, des machines servant à déplacer des fardeaux, des ventilateurs, des souffleries, des modèles de bateaux à vapeur des chantiers de La Ciotat, des machines concernant l’industrie forestière, l’agriculture, avec des semeuses, des moissonneuses, des faucheuses et pas moins de 216 charrues venues de l’Europe entière. On pouvait repartir avec des échantillons de broderies, du tabac fraîchement torréfié, boire une tasse de café à peine sortie du percolateur hydrostatique de M.Loysel, qui produisait 2000 tasses de café à l’heure. Il faut s’imaginer que toutes les machines, toutes les inventions fonctionnaient toute la journée pour la plus grande joie des visiteurs, et ce durant toute la durée de l’Exposition.
Cette fête de l’innovation avait un but précis pour les 23.954 exposants, et ce but était principalement commercial. Le grand public découvrit encore, en 1855, la tondeuse à gazon, la machine à laver le linge de Moore, le revolver à six coups de M. Colt, la « Locomobile », premier véhicule à se mouvoir grâce à l’huile de pétrole, les machines à coudre Singer ou encore une poupée qui parle.
Un nommé Joseph Louis Lambot, (1814-1887), présente un bateau en ciment renforcé par une armature en fer , capable de flotter !
Le bateau de Lambot au musée de
Douarnenez, cédé par le musée des Arts et Métiers.
Photos aimablement prêtées par le site "Escales
maritimes, la mer dans tous ses états".
La deuxième barque à Brignole.
Cette invention, fut breveté dès 1849 sous le nom de Ferciment. Il venait d'inventer le principe béton armé. On raconte que Lambot, avait eu l'idée de fabriquer des caisses en ciment renforcé d'une armature métallique pour y planter des orangers. Ayant un petit lac sur sa propriété de Miraval , il transforma alors le principe des caisses à orangers en barque pour voir comment ça pourrait flotter. Résultat, un engin de 3 mètres sur 1,28 de large, pesant 600 kilos. Le brevet de cette barque en ciment fut déposé à la préfecture de Marseille en 1855. On y note que ce procédé est déstiné à remplacer le bois dans les constructions navales. Deux bateaux de Lambot sont encore exposés en France. L'un au musée de Brignoles, ville où décéda l'inventeur, et un autre au musée de Douarnenez (voir photos ci-dessus).
Intérieur du palais en 1855. Au premier plan, le miroir du stand saint Gobain. Voir une autre lithographie sur le site de Saint-Gobain de l'intérieur.
La société anonyme de Saint-Gobain expose le
plus grand miroir au monde. 200 personnes prirent part au projet,
pour réaliser cette plaque de 5,37 mètre de haut sur 3,36 de
large.
Foucault fait devant les visiteurs la démonstration
scientifique que la terre tourne grâce à son pendule,
conservé de nos jours au musée des Arts et Métiers. Un
démonstrateur présente le procédé de développement photographique
au collodion humide permettant de multiplier les photos-portraits,
des musiciens exécutent des morceaux sur les nouveaux pianos
Erard-Pleyel.
D’ailleurs, toutes sortes d’instruments de musique sont
exposés dont une série de saxophones, (Brevet français N°
3226 du 21 mars 1846), invention d’Adolphe Sax (6
novembre 1814, à Dinant, Belgique - 4 février 1894 à Paris).
Installé à Paris dés 1841, M. Sax reçut à l’occasion de cette
Exposition Universelle de 1855 une des 112 Grandes médailles d’honneur pour l’ensemble de ces inventions (11033 médailles
furent décernées pendant la manifestation). On peut lire dans le
rapport du jury de 1856 : « Le son du saxophone est le plus beau,
le plus sympathique qu’on puisse entendre. Son timbre n’est celui
d’aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au
chant ou à l’harmonie qu’aux traits rapides… »
On présente aussi l’avancement des travaux du câble
électrique transatlantique qui reliera les Etats-Unis et
l’Europe, câble que l’on peut voir au musée des Arts et
Métiers. Le toc plaisant à l’Empereur Napoléon III, le bronze
d’art et le «plaqué argent » sont mis à la mode
grâce à Ferdinand Barbedienne, qui en 1839 avait
fondé une des plus grosse entreprise de fonderie de bronze d'art
en France. Parmi les exemples de cette mode de la garniture de
cheminée, on peut citer la pendule représentant Bourdaloue
accompagnée de ces deux candélabres en bronze patiné et marbre
conservée au musée des Arts et Métiers. Au
dessus de la pendule, le géodésien Bourdaloue effectue des
visées tandis que chacun des candélabres fait d’une règle
graduée est tenue par des collaborateurs de Bourdaloue, munis de
leurs instruments. Bourdaloue, ingénieur et topographe français,
sera chargé de procéder au nivellement général de la France
métropolitaine. On instaura aussi durant cette manifestation le
classement des 60 grands crus rouges et 27 blancs du bordelais,
en fonction des prix de l’époque.
On trouve dans la nomenclature des appareils divers, des
machines à souffler les bouteilles ou à les laver et les
rincer, à ficeler les bouchons de champagne, à peloter, peser
et mesurer le savon, à pétrir le pain, à fabriquer les clous,
à couper les vêtements…
Le palais de l'Industrie lors d'une exposition ultérieure des beaux arts. La bâtiment fut détruit en 1899, voir page de l'exposition universelle de 1900, le Grand et le Petit Palais..
En ce qui concerne l’électricité, 4
exposants, venus d’Autriche, de Suisse de Suède et de Prusse,
proposaient des télégraphes dont la particularité était la
transmission simultanée de deux dépêches dans deux directions
opposées à l’intérieur du même fil électrique. Ainsi, le
télégraphe de Bréguet, conservé au musée des arts et métiers,
équipera un grand nombre de gares de chemin de fer. Il offre cet
avantage, contrairement au système Morse, de présenter au poste
transmetteur un cadran fixe sur lequel est inscrit les 25 lettres
de l’alphabet et les chiffres. Un manche mobile actionné par
l’employé vient alternativement se poser devant les lettres selon
le texte à transmettre. On peut donc manier le Breguet sans
connaissance spéciale et il fut mis en service pour la première
fois sur la ligne de chemin de fer de Paris à Versailles en 1844
qui desservait la gare de Saint-Cloud.
On découvrit aussi des horloges électriques et la pendule à
force constante de Brosse, horloger de Bordeaux qui conçu un
balancier recevant toujours la même impulsion dit échappement à
force constante ainsi qu’une sonnette électrique présentée par
M.Mirande (France).
Quant à Mr Laigneau, fabriquant de viroles
spéciales pour pinceaux et brosses, il reçoit le diplôme de
l’Exposition universelle de 1855. Ce diplôme
témoigne d’une orientation importante de l’exposition universelle
de 1855 qui démocratise les récompenses accordées à des ouvriers
ou des patrons. Le chimiste Colville, préparateur des
couleurs à la manufacture de Sèvres et auteur d’un tableau
d’échantillon de 60 couleurs pour la peinture sur porcelaine. il
reçoit une médaille de seconde classe.
Enfin, l’ingénieur Henri Tresca reçoit la
médaille offerte à titre d’hommage pour sa participation aux
travaux de l’exposition universelle de 1855. Commissaire de
classement, il publie Visite de l’exposition universelle de
Paris en 1855 où il énumère les objets sur lesquels doivent
se porter principalement l’attention des visiteurs et l’indication
des places où se trouvaient ces objets.
Image en 3D réalisée par lemog pour un film sur le palais de l'industrie, présenté au musée des Avelines à Saint-Cloud lors de l'exposition "Vestiges des expositions universelles à Saint-Cloud" en 2009.
40.000 personnes assistent à la remise des récompenses le 15 novembre 1855. Quand l’exposition ferme ces portes à la mi-novembre, 5 162 330 visiteurs ont foulé les allées du palais de l’Industrie. Coût de l’exposition : 11 340 000 francs. Recette : 3 200 000 francs. Soit un déficit de près de 8 millions. Ce fut cependant une véritable opération de prestige montrant aux nations étrangères la grandeur de la France et qui permettra à Napoléon III de consolider sa position.