Le pavillon du Métal, groupe VII, regroupait les exposants de la classe 33 (fer) et de la classe 47 (bronze et métaux divers), dont le président n’est autre que Raymond Subes, artiste décorateur.
Intérieur du pavillon du métal.
Ce bâtiment d’une conception révolutionnaire, des architectes
Charles et Jean Dorian, B.Vitry et J.B. Paquet, devait montrer aux
visiteurs, à travers sa structure, sa décoration et son
ameublement, tout ce que l’homme pouvait réaliser avec les
différents métaux. Seuls quelques tapis sur le sol venaient
quelque peu réchauffer l’atmosphère. Les parois extérieures
étaient laquées pour résister aux intempéries. Ainsi, pas
la moindre once de bois ou de ciment n’entra dans la
construction de ce pavillon à la gloire du métal-roi
qui triomphait à l’exposition. Il se situait sur le quai d’Orsay
au débouché du pont de l’Alma, et mesurait 85 mètres de longueur
sur 30 mètres de largeur.
Devant l’entrée principale se dressait une haute statue de
bronze, « Le forgeron au travail », signée de
Silvestre et réalisée par les fonderies Suisse d'Arcueil. Ce
forgeron se trouve aujourd’hui place Martenot à Commentry, dans
l’Allier.
Le forgeron de Silvestre à Commentry.
Cette entrée était commandée par une grille coulissante en fer forgé et bronze de 10,5n0 mètres de hauteur sur 7 mètres de largeur, crée et réalisée par Raymond Subes. Cette porte monumentale est un exemple éclatant de la maîtrise de la technique du fer forgé, également décliné dans les grilles intérieures, les rampes, les auvents donnant sur la galerie, les balustrades, les tables, les chaises et les consoles. Preuve était faite que cette industrie était digne de son passé et qu’elle pouvait se transformer en employant de nouveaux métaux blancs : acier inoxydable, nickel, aluminium et leurs dérivés.
L’exposition de 1937 fut l’occasion pour les établissements Borderel et Robert, les usines de Subes, d'une intense activité. L’artiste ferronnier appréciait la formule : « Nous avons fait en même temps une révolution et une exposition. »
En 2003, cette porte qui orne aujourd’hui un bâtiment neuf, au 78 quai Marcel Dassault, a été inclinée de 90 degrés et réduite d’un tiers. L’autre partie de la porte se trouve sur le site Dassault de Mérignac.
En ce qui concerne le transfert de la porte, le mystère reste entier. Il semble que Marcel Bloch et Raymond Subes se connaissaient bien, l’artiste ayant déjà réalisé plusieurs commandes pour l’entrepreneur. Est-ce par l’intermédiaire de Georges Hennequin, qui travailla aussi sur l’expo de 1937, ou à cause des liens entre les deux entrepreneurs que Marcel Bloch fait l'acquisition de la porte de métal nous ne le savons pas.
Marcel Bloch est né le 22 janvier 1892 à Paris.
Fils de médecin, dernier d'une famille de quatre enfants, il se
passionne dès son plus jeune âge pour les nouveautés
technologiques. Après ses études secondaires, il entre à l'école
d'électricité Breguet puis intègre l'école supérieure
d'aéronautique dont il sort diplômé en 1913. En 1931, il fonde sa
propre société aéronautique Avions Marcel-Bloch
et s’installe à Boulogne-Billancourt puis à Courbevoie pour la
réalisation de prototypes. Sa société étant nationalisée par le
Front populaire en 1936, il crée, cette même année, la Société
anonyme des avions Marcel Bloch (SAAMB) qui constitue,
juridiquement, l'acte de fondation de l’actuelle
Dassault-Aviation.
Marcel Bloch sollicite Georges Hennequin (1893 -
1969) pour réaliser les usine Bronzavia à Courbevoie
vers 1936. En 1938, Marcel Bloch acquiert des terrains à
Saint-Cloud sur lesquels il entreprend de construire une nouvelle
usine. A défaut d'avions, il y construit des hélices Chauvière qui
équipent les appareils de combat fabriqués par les sociétés
nationales ainsi que des petits moteurs pour avions de tourisme. La
porte de Raymond Subes est, à ce moment, installé en
bord de Seine. Enfin l'usine Marcel-Bloch de Bordeaux Mérignac est
construite en 1939.
Arrêté par la police collaborationniste française en 1940, il est déporté avec sa famille à Buchenwald en 1944. Il est sauvé par Marcel Paul, membre du Parti communiste français et chef de l’organisation clandestine du camp. En 1946, il fait changer son patronyme en Bloch-Dassault (décret paru au Journal officiel du 4 décembre 1946), puis en Dassault (décret paru au Journal officiel du 15 février 1949). Dassault est une déformation du nom de code Char d’assaut, utilisé par son frère, le général Darius-Paul Bloch, dans la Résistance.
La contribution de Raymond Subes à l’exposition de 1937, symbolisée par la spectaculaire porte de bronze du pavillon du Métal, est d’une grande richesse. Artiste reconnu, il est l’un des commissaires de cette expo et produit pour l’événement de nombreuses pièces, telles que des portes des rampes d’escalier, des rambardes, ainsi que du mobilier.
Fontaine aux grenouilles.
Fontaine de vin.
Outre cette porte de bronze monumentale et celle qu’il réalisa pour le pavillon du Musée de la ville, on citera la grille d’entrée du pavillon de la Roumanie, 18 mètres de hauteur, un motif décoratif pour le palais de la Radio, une volière, les rampes d’escalier d’honneur du commissariat générale de l’exposition et du pavillon des Arts modernes, un écusson de fer forgé pour le pavillon de l’Uruguay, quatre portes d’ascenseurs coulissantes… Son œuvre est partout et il réalise encore la Fontaine des vins, et celle aux Grenouilles, dite fontaine du Champ-de-Mars et imaginée par Gumpel et Lambert, des décorations intérieures pour le palais de Tokyo, les lustres du pavillon allemand …
Raymond Subes réalisa les lustres du pavillon de l'Allemegne.
Rampe du pavillon d'art moderne
De très nombreuses portes en métal furent réalisées par les ateliers de Raymond Subes. On en trouve encore aujourd'hui à Paris, particuliérement dans des sièges sociaux "historiques" de banques du quartier des grands boulevards.
Il trouva même le temps d’exécuter « La Vierge portant haut l’Enfant les bras ouverts sur le monde », œuvre de Roger de Villiers haute de 7,20 mètres. Cette statue trônait au sommet du pavillon pontifical, de l’architecte Tournon, pendant l’exposition de 1937. On la retrouve au sommet de l’église St Honoré d’Amiens de 1959 à 1982, date à laquelle elle bénéficie d’une restauration par l’atelier Quesnel à Corbeil en Essonne. La Vierge est ensuite rachetée par la Congrégation des serviteurs de Jésus et Marie, dépendant de l’abbaye d’Ourscamp et installée à Baillet-en-France, à 20 kilomètres au nord de Paris. L’oratoire qu’elle surmonte est ouvert au public.
Voir page pavillon Pontifical
Raymond Subes est l’auteur de la décoration de nombreux ponts (parapets et tabliers de métal) : il orna l’ossature d’acier du pont de Saint-Cloud, qui relie la ville à Boulogne-Billancourt, d'un bandeau extérieur décoratif en cuivre masquant les poutres et formant le garde-corps. Les travaux, commencés en 1937, sont interrompus en 1942, puis reprennent en 1946. Le pont actuel est l’amorce de l’autoroute de l’ouest, il devait, selon ses concepteurs, permettre un écoulement facile du trafic... Le parapet de Subes, décoré de plaques de cuivre patinées par le temps, donne à l’ensemble un aspect original, mais se révèle véritablement depuis la Seine, en bateau.
Le pont de Saint-Cloud relie les communes de Boulogne et de Saint-Cloud.
Pont de Saint-Cloud.
Subes est aussi le concepteur des lampadaires télescopiques du pont du carroussel, devant le Louvre. Il avait pris soin, au début de la guerre, de démonter et de cacher les fûts, pour les mettre à l'abri de l'appétit métallique de l'occupant, les remontant à la fin de la guerre.
Pour ne pas nuire à la perspective du pont, et la vue sur le Louvre, les lampadaire sont baiisés la journée. La nuit tombée, les colonnes s'étirent, et doublent leur hauteur.