Bilan d'un siècle
41 millions d’habitants en France, 51 millions de visiteurs.
15 avril - 12 novembre 1900, durée 212 jours
83 047 exposants dont 38 253 français.
50 860 801 visiteurs
Cours La Reine au niveau de la place de la Concorde, Esplanade des Invalides, colline de Chaillot, Champs de Mars, rive droite et rive gauche entre ces sites. (On pouvait entrer à l'exposition place de la Concorde et en ressortir au niveau du carrefour La Motte Piquet - Grenelle.)
Inaugurée sous un soleil pascal, le 14 Avril 1900, par le président Loubet, l’exposition s’est étendue comme jamais sur 216 hectares. Aux 112 hectares du Champ-de-Mars, de l’Esplanade des Invalides et des bords de Seine, il faut ajouter 104 hectares au bois de Vincennes pour l’exposition sur l’agriculture, les maisons ouvrières, les chemins de fer, les concours sportifs. Cette exposition est 10 fois plus étendue que celle de 1855. Cent trente-six entrées sont prévues pour y accéder.
Le 28 avril 1900, quelques jours après une inauguration qui n'en fini pas, on pouvait lire dans L’Illustration : «Des tombereaux, des wagons, des caisses entassées dans des galeries vides, des machines et des vitrines en cours de montage et de tous côtés, des écriteaux portant l’inscription « entré interdite » devant des portes barricadées d’où des agents repoussent le public fatigué de piétiner dans la poussière et les plâtras. Voilà jusqu’à présent tout ce qu’il y a à voir à l’Exposition. »
L’expo de 1900 dont le thème
était «Le bilan d’un siècle» a attiré 83 000
exposants dont 45 000 étrangers malgré les scandales financiers,
les grèves et les fréquents changements de gouvernement qui
précédèrent la fin du siècle. En deux cent douze jours, dans une
France qui ne comptait alors que 41 millions d’habitants, 51
millions de visiteurs participent au succès de la manifestation
dont on fait la publicité partout en France. Cent deux
millions de voyageurs sont enregistrés dans les gares
parisiennes. Celles de Lyon, de l’Est et de
Montparnasse sont réaménagées,
l’ancienne gare du Champ-de-Mars est remplacée du côté des
Invalides par la gare
d’Orsay, transformée aujourd’hui en musée. Un
parking à vélos de 750 m2 est construit aux
Champs-Elysées, et un autre de 250 m2 au quai d’Orsay.
Le métropolitain, projet établi par Fulgence Bienvenüe, est inauguré le 14 juillet sans tambour ni trompette, les travaux n’ayant pu permettre d’ouvrir à temps pour l’exposition. Les entrées de stations sont signées par Guimard. Il en coûtait 15 centimes pour prendre la ligne Porte de Vincennes-Porte Maillot et descendre à Champs-Élysées (Clemenceau), la station Concorde n’étant pas encore achevée.
Le succès est au rendez-vous : entre juillet et la mi-novembre, 10 millions de voyageurs empruntent le métro. Les billets d’entrée au prix de 1 franc (l’heure de travail est alors payée entre 40 et 50 centimes) étaient vendus dans les perceptions d’impôts partout en France ainsi que dans les bureaux de tabac et les cafés. L’entrée est gratuite pour les militaires en tenue.
!
L'exposition très étendue nécessitait une grande porte principale : René Binet est chargé de sa construction. Bordant la place de la Concorde, la porte, (ci-dessus) qui cumulait à 45 mètres de haut, était précédée d'un excèdre flanquée de deux longs minarets.Trois grandes arches en plein cintre d'une vingtaine de mètres de largeur supportaient une immense coupole surbaissée.L'excèdre est surmonté d'une figure féminine représentant la ville de Paris accueillant les visiteurs de l'exposition. Les guichets, fonction principale de ce bâtiment éphémère, étaient au nombre de 16 à droite et à gauche : Binet prévoyait un flux possible de 60 000 personnes à l'heure et au final, sa porte livra passage à près de 9 millions de visiteurs. La structure générale était en métal et la porte fut entièrement recouverte de staff. Le décor présentait une grande originalité. Des milliers de cabochons lumineux et colorés, bleus, verts, jaunes recouvraient l'ensemble. la peinture complêtait cette polychromie auxquels fut ajouté des feuilles l'or dans les parties les plus visibles. Enfin, l'ensemble était animé par de nombreux mats et oriflammes, créant une féerie souvent soulignées par les commentateurs de l'Exposition. Monument transitoire, il s'agissait d'une " architecture d'exposition" éclatante et saisissante pour la foule comme pour les élites". La porte connut un immense succès populaire et même si elle fut décriée par la presse qui goute peu la fantaisie de Binet, elle reste cependant l'un des édifices importants et représentatif de l'Art nouveau européen.
Au sein de l’exposition, le trottoir roulant à 2 vitesses (4,2 km/h ou 8,5 km/h heures) eut un grand succès. Baptisé « Rue de l’Avenir », il était composé de plates-formes mobiles de 3 kilomètres de longueur montées sur roues comme un petit train sans fin qui se mord la queue. Il roulait sur un viaduc à 7 mètres au-dessus du sol. Faisant une boucle, il passait par le quai d’Orsay, longeait l’avenue de la Bourdonnais et arrivait au carrefour de l’École militaire. Ensuite, il continuait à gauche, avenue de la Motte-Piquet, revenait par l’esplanade des Invalides, puis passait le long de la Seine par la rue des Nations étrangères pour rejoindre à nouveau le quai d’Orsay. Pour les voyageurs moins aventureux, un petit train électrique Decauville parcourait le même chemin, mais sur rail, à la manière des petits trains ceux des parcs d’attractions d’aujourd’hui.
Le prix des repas a explosé depuis 1889, et en 1900 il faut compter un minimum de 2,50 francs par personne pour un repas simple, soit une demi-journée de paie d’ouvrier. En revanche, pour boire à l’œil, on pouvait toujours déguster quelques alcools forts au pavillon des Alcools russe. Du Village Suisse à l’angle de l’avenue de Suffren et de l’avenue de la Motte-Piquet, il ne reste que le nom. A cet endroit, un véritable versant de montagne avait été reconstitué, avec cascades, herbages, veaux et vaches, l’auberge de Mümpf, la maison de Jean-Jacques Rousseau… L’église de Wurzbrunnen complétaient le tableau. Trois cents personnes, paysans, artisans et ouvriers sculpteurs animaient ce paysage alpestre. Grâce à la laiterie fribourgeoise, les gens du quartier pouvaient acheter leur beurre, lait et crème fraîche.
La rue de Paris, entre le pont de l’Alma et le Trocadéro, le long de la rive droite de la Seine est une attraction à succès. Agrémentée de boutiques, de débit de boissons et de nombreux théâtres, elle s’étirait en face à la rue des Nations étrangères, rive gauche, beaucoup plus sérieuse. Un pavillon de l’esplanade des Invalides est entièrement destiné aux jouets de toutes sortes. Les poupées bien sûr tiennent une grande place ainsi que les dînettes et cuisines modèle réduit, mais la mode est aux automates à ressort, comme ces petits animaux Martin qui émettent des cris. Pourtant malgré ces innovations, les chroniqueurs de l’époque se plaignent déjà : « Bien pauvre, bien médiocres sont les jouets d’aujourd’hui, lorsqu’on les compare aux jouets d’autrefois ! La matière est commune, la fabrication hâtive. » Il est vrai que seule la nostalgie ne change jamais. Ces mêmes chroniqueurs notaient, réprobateurs, dans leur rubrique le peu d’intérêt de la foule pour les pavillons éducatifs. Les alignements pompeux de costumes et d’objets manufacturés n’attirent plus le chaland. La fête foraine et les attractions spectaculaires prennent le pas sur l’aspect didactique.
Cette expo, plus joyeuse et populaire que les autres, marque un réel tournant dans l’organisation des fêtes internationales. Le visiteur s’amuse avec la grande roue de Chicago de 70 mètres de haut. Celle-ci fut imaginé par Georges Washington Gate Ferry à Pittsburg pour l'expo de Chcago de 1893. Deux moteurs à vapeur actionnaient les 36 nacelles de 60 places chacune.. Après Paris, elle retourna aux Etats-Unis, à Saint-Louis pour disparaître, démontée en 1904. (source Wikipedia). Le visiteur s'émerveillait aussi en découvrant « le Manoir à l’Envers » (où l’on marche sur le plafond), ou le Grand Kaléidoscope du palais de l’optique : ce dernier attire près de 3 millions de visiteurs et reste encore aujourd’hui une des grandes animations du musée Grévin sous le nom du Palais des Mirages.
Durant les congrès sur l'électricité, le 24 août 1900, dans une communication Constantin Perskyi, une Russe né en 1854,, souligne les futur application de l'électricité :"La télévision au moyen de l'électricité.", vingt-six années avant son invention.
Le cinéma des frères Lumière est à l’honneur avec des projections sur écran géant de 21 mètres sur 16 dans la galerie des Machines (à titre de comparaison, le gigantesque écran du Grand Rex à Paris mesure 25 mètres sur 11). Au Phono Ciné Théâtre, on assiste – déjà ! – à des projections de cinéma parlant, synchronisées (à la main) à l’aide de phonographes. Des attractions spectaculaires de cette exposition, il reste encore l’appareil de prise de vue/projecteur de Raoul Grimoin Sanson, inventeur du Cinéorama, au musée des Arts et Métiers. Ce procédé simule un voyage en ballon : dans une rotonde polygonale de 93 mètres de circonférence, 10 appareils cinématographiques synchronisés projettent un film présentant des paysages grandioses. Les spectateurs installés dans une réplique de montgolfière au centre de la salle étaient invités à un voyage sans risque. Une attraction semblable fut présentée à l'Exposition de Yeosu en Corée du sud en 2012. Il ne reste plus de trace en revanche d’un des clous de l’expo, le Maréorama, crée par Hugo Alesi ; Dans une salle évoquant le ponton d’un paquebot, des images peintes sur une immense toile se déroulent et s’enroulent sur deux axes tels des parchemins anciens défilant devant les yeux des passagers. Le voyage commençait à Villefranche pour se terminer à Constantinople. Sous l’action de vérins, le pont du bateau bouge imitant ainsi le mouvement de la houle, les effets d’éclairage et le vent du large reproduits par des souffleries complètent l’illusion.
Au Palais de l’optique, on découvre la
lumière froide, le miroir magique, les rayons X, les danseuses
phosphorescentes, le Monde Invisible contenue dans une goutte
d’eau. La « Lune à 1 mètre » enflamme l’imagination et la
curiosité de millions de personnes. Un instrument d’astronomie de
60 mètres de long adapté à un appareil photographique donne
l’impression d’observer la lune comme si on en était à… 58
kilomètres. Le miroir de réflexion de l’image de cette attraction,
le sidérostat, se trouve aujourd’hui à l’Observatoire de
Paris, dans le vestibule de la façade nord.